Musée océanographique de Monaco
Borderline// Philippe Pasqua
Depuis trente ans, ce peintre autodidacte « casse les codes de représentations des êtres et de leur souffrance. Provocateur, il s’engage corps et âme dans les grands formats pour mieux nous jeter à la figure l’indifférence totale des êtres abîmés. Puissantes, frontales, elles crient aux yeux du monde la disparition programmée de ces êtres vivants.
Le fil conducteur qui lie toutes ses œuvres, des premiers portraits peints vaudou, de corps abîmés, en passant par les crânes sculptés dans du marbre de Carrare, jusqu’aux sculptures d’animaux marins, c’est le caractère éphémère de la vie, des êtres et des choses. Et surtout il appelle à saisir la vie inaperçue, celle cachée derrière des rites magiques, celle contenue à l’intérieur d’un corps traumatisé, celle présente au fond des yeux d’un être démuni, celle maltraitée dans ses animaux marins. » -Florence Guionneau-Joie
Dialogue entre art et science
Après Damien Hirst et Mark Dion, l'artiste français Philippe Pasqua investit les hauts volumes du Musée océanographique de Monaco avec des sculpture monumentales qui viennent dialoguer avec les collections permanentes de l'institution. La grandeur de cet édifice centenaire, perché sur une falaise de 85 mètres au-dessus de la mer, ainsi que l’engagement de la Fondation Abert Ier pour la protection des océans ont profondément marqué l’artiste.
Pour la première fois de sa carrière artistique, Pasqua décide d’insuffler un message d’écoresponsabilité à ses œuvres. Douze œuvres monumentales, dont sept réalisations inédites, investissent les lieux dans leur totalité – du parvis à la terrasse panoramique, en passant par la falaise du Rocher.
Jusqu-où irons nous?
L’art de Philippe Pasqua expérimente la limite. Il flirte avec les bords, tutoie les bornes et s’en affranchit. Violente et impudique, son œuvre bouscule autant qu’elle fascine, plaçant le visiteur face à un dilemme : dévorer du regard ou détourner les yeux, réflexe de défense plus qu’indifférence. « Philippe Pasqua questionne, interpelle, dérange, mais jamais n’indiffère. Le détonateur idéal pour provoquer une prise de conscience en faveur de la vie marine et terrestre », évoque Robert Calcagno, Directeur général du Musée océanographique.
Instinctif, l’artiste ne théorise pas ses œuvres et laisse aux visiteurs toute latitude pour les interpréter, estimant que l’art va au-delà des discours et du visuel. « Le beau, c’est la puissance évocatrice », confie-t-il. L’œuvre est belle par l’émotion qu’elle produit, le coup qu’elle porte au cœur.
L’artiste exprime ici toute sa sensibilité et questionne le public sur sa relation à la nature, à la mort et à la renaissance. « A partir de ces sujets de prédilection, il joue avec le rapport ambigu que l’homme entretient avec l’univers marin, entre peur et fascination, pour confronter le public aux enjeux actuels de protection de la biodiversité », complète Robert Calcagno.
Éveiller les consciences
« Eveiller les consciences, c’est aussi notre vocation. C’est même peut-être au cœur de nos missions, » explique Robert Calcagno. « La surexploitation des ressources, les pollutions, et l’homme au final, menacent le milieu marin. Et l’art est là pour faire passer des messages. »
C’est sur le toit terrasse panoramique que Philippe Pasqua a choisi de marquer les esprits pour dénoncer la fragilité des espèces marines face à l’activité humaine, en exposant une œuvre intitulée Qui devrait avoir peur ?
« Le mégalodon qui est apparu il y a 40 millions d'années (au début du l'ère tertiaire) mesurait de 10 à 15 mètres de long (le double de la taille des requins actuels), ses dents mesurants 10 à 20 centimètres », nous apprend le paléontologue François Escuillé.
« Il se trouvait aussi bien dans la vallée du Rhône que dans le bassin d'Aquitaine, en Floride, au Pérou, au Japon! Mais il a disparu il y a environ deux millions d'années, après des changements climatiques, la modification de l'écosystème et la disparition de ses proies.» Aujourd'hui, le scénario se répèterait-til? On estime que les requins et les grands prédateurs marins ont été décimés depuis 50 ans, en partie suite à la modification de l'équilibre de la chaîne alimentaire. »
Vanité, 2017, sculpture en bronze poli

Philippe Pasqua avec S.A.S. le Prince Albert II de Monaco : « Pour que l’humanité ne franchisse pas la ligne rouge »

Who should be scared?, 2016, sculpture en inox, 10m

L'effet miroir 2017, mâchoire de mégalodon en aluminium

Christophe Février et Philippe Pasqua devant l'installation Le champs des méduses, 2017, en verre soufflé argenté