Qui êtes-vous ?
Je compte un parcours professionnel de 30 ans au sein des Coopératives Forestières. Il m’a amené à pratiquer et acquérir de l’expérience dans les domaines de l’exploitation forestière, de la sylviculture, du conseil et de la gestion, mais aussi du développement et de l’aménagement territorial, sur les massifs forestiers des Landes de Gascogne, du Limousin, de Dordogne et des Charentes. Cela m’a permis également de porter les valeurs humanistes de la coopérative, à travers un programme de coopération et de reboisement en Haïti. Lorsqu’en 2016 la coopérative forestière fondatrice du Fonds de dotation Plantons pour l’avenir, m’a proposé de l’animer, j’ai tout de suite accepté.
Comment est né le fonds « Plantons pour l’avenir » ?
Le Fonds de dotation Plantons pour l’avenir a été crée fin 2014 par la coopérative forestière dans laquelle j’exerçais. Cette initiative innovante et à but non lucratif, répond aux grands enjeux du reboisement et de la gestion durable des forêts. Son dispositif s’appuie sur les compétences des professionnels et des organisations de la filière forêt-bois et prend en compte les grandes orientations stratégiques de cette filière. Les ressources financières du Fonds de dotation proviennent du formidable potentiel que représente le mécénat en France. En effet, le mécénat permet aux entreprises et aux particuliers, de prendre part, dans le cadre de l’intérêt général, aux grands défis environnementaux, sociaux et économiques, là où la puissance publique ne peut pas tout.
Quels sont les grands enjeux de la gestion durable des forêts françaises ?
La forêt recouvre aujourd'hui près d’un tiers du territoire national. Mais cette « abondance » masque d’autres réalités : son exploitation et son entretien régressent, certains peuplements forestiers ne sont plus adaptés aux besoins de la filière bois, et souffrent également des changements climatiques.
Trois quarts de la forêt française est privée et appartient à plus de 3 millions de propriétaires qui pour la plupart ne possèdent que quelques hectares et sont dans l’incapacité d’assurer le renouvellement de peuplements forestiers souvent dépérissant, victimes d’intempéries ou inadaptés au changement climatique.
Actuellement le nombre d’arbres plantés chaque année dans nos forêts est de 70 millions, contre 130 millions en 1990. La seule régénération naturelle des forêts ne suffira pas à assurer son renouvellement. Il faut encourager la plantation qui permet d’introduire des essences adaptées aux évolutions climatiques et aux besoins économiques de demain.
Le bois est le matériau du futur, recyclable et renouvelable. Pourtant dans l’imaginaire du public, il est encore mal vu de couper un arbre. Quel message adressez-vous au grand public ?
Effectivement, une prise de conscience s’opère depuis ce début de millénaire, sur les vertus et la nécessité d’utiliser des matériaux bio-sourcés, pour la transition énergétique et l’économie circulaire et bas-carbone. Le bois est ainsi le matériau du XXIème siècle, il constitue une opportunité d’innovation reconnue par l’ensemble de la société et la filière forêt-bois est une filière d’avenir, pilier de la croissance verte française. Mais paradoxalement dans la relation forêt-arbre-bois, la réalité production-exploitation-récolte est peu ou mal perçue.
Une des difficultés est justement de faire entendre et comprendre à un grand public parfois mal informé, qu’au-delà de l’enjeu du renouvellement de notre forêt pour séquestrer plus de carbone et la rendre plus résiliente au changement climatique, il est également nécessaire de créer les conditions d’une augmentation de sa productivité, en s’assurant que le matériau bois reste compétitif par rapport aux matériaux énergivores et aux énergies fossiles auxquels il prétend se substituer.
En d’autres termes, il faut expliquer à ceux, qui en même temps plébiscitent l’usage du bois et condamnent l’exploitation des arbres, que couper un arbre fait partie du cycle de vie de la forêt. Il faut expliquer également qu’une partie de nos forêts doit être aménagée et gérée, avec comme objectif principal de produire du bois, répondant en termes de qualité, de quantité et de coût, aux besoins de nos entreprises et de nos industries.
Certains prétendent que nos entreprises et nos industries doivent s’adapter à la ressource en bois de nos forêts, d’autres diront que ce sont à nos forêts de s’adapter aux besoins de nos entreprises et industries… Il n’y a aucun intérêt à opposer ces deux approches. La forêt française est suffisamment vaste et diverse pour que ces deux modèles se côtoient et se « stimulent » l’un l’autre. En effet, des entreprises s’installeront et se maintiendront sur notre territoire si elles peuvent compter sur une matière première correspondant à leurs besoins (essence, calibre, coût, disponibilité…) et provenant donc de forêts « cultivées ». Et c’est de ce tissu industriel, qu’émergeront des solutions innovantes pour valoriser une ressource moins « standard », plus diverse et sans doute plus coûteuse, provenant d’une gestion plus « extensive » d’une autre partie de nos forêts.
6,8 milliards : c’est le montant, en euros, du déficit commercial de la filière bois en 2018 alors que la forêt recouvre 31% de notre territoire. De quelle manière pourrions-nous mieux employer nos ressources?
C’est un autre paradoxe de la filière forêt-bois. Bien que la forêt française ait doublé en surface au cours des deux derniers siècles, grâce aux accrus naturels sur les déprises agricoles et aux grandes campagnes de reboisement du XIXème siècle (Landes, Sologne, Alpes…) et qu’à peine 60% de son accroissement naturel soit exploité chaque année, la balance commerciale de notre filière forêt-bois est chroniquement déficitaire. Les causes en sont principalement les importations de sciages résineux, de pâtes et papiers ou de mobiliers en bois.
Durant les deux dernières décennies, l’aval de cette filière a fait preuve d’innovations et d’investissements dans des domaines aussi variés que la construction, l’ameublement, l’énergie ou encore la chimie verte.
Mais à l’amont, une partie significative de la forêt française accumule du bois sur pieds et sa sous-exploitation témoigne d’un manque de dynamisme qui influe sur non seulement sur son renouvellement, mais également sur la confiance des entreprises utilisatrices de bois, qui se tournent vers les importations ou se délocalisent.
En apportant le soutien nécessaire au renouvellement et à la pérennisation de la production forestière sur nos territoires, Plantons pour l’avenir est un catalyseur et un accélérateur de la mobilisation et la valorisation des ressources forestières françaises. Aussi, nous appelons l’ensemble des entreprises et des organisations professionnelles de la filière, à nous aider à conforter cette structure de mécénat d’ampleur nationale.
Que souhaitez-vous que l’on retienne de votre travail ?
Depuis sa création, le Fonds a collecté plus de 3,7 millions d’euros auprès de 140 entreprises comme Smurfit Kappa, PiveteauBois, Archimbaud, Siat-Braun, Les Manufactures Février… pour la filière, mais également Nestlé, Dalkia, EngieCofely ou le Crédit Agricole, qui se sont engagées dans le cadre de leur Responsabilité Sociale et Environnementale.
Grâce à nos mécènes, 248 propriétaires ont déjà bénéficié d’une aide pour reboiser 1460 hectares partout en France. Mais la tâche reste immense et l’objectif du fonds de dotation est de pouvoir initier et soutenir plusieurs milliers d’hectares de reboisement par an en France.
De nombreux massifs forestiers en France souffrent d’un manque d’entretien et/ou du changement climatique. La prolifération des scolytes sur l’épicéa ou de la chalarose sur le frêne en sont des exemples. Même si beaucoup d’interrogations et d’incertitudes apparaissent quand aux choix des essences et des techniques de reboisement, de nombreux propriétaires souhaitent renouveler leur parcelle. Accompagnés de conseillers forestiers agréés, qui leur assurent un support technique et juridique, ils sollicitent de plus en plus le soutien financier de Plantons pour l’avenir, car la démarche est simple et responsabilisante.
Pour pouvoir continuer à accompagner tous ces propriétaires, il faut impliquer et rassembler de plus en plus d’entreprises, autours des valeurs environnementales, sociales et économiques, portées par une gestion dynamique de nos forêts.
Enfin je remercie Les Manufactures Février pour son soutien à Plantons pour l‘avenir. Et Les Manufactures Février peuvent être fières d’être mécènes, car ce modèle d’engagement ne procède ni d’un réflexe marchand, ni de l’achat d’une conscience ou d’une image pouvant s’apparenter à du « greenwashing », mais bien d’une démarche responsable, altruiste et solidaire.