Le champion du monde Evens Stievenart nous raconte ses 24 heures non-stop et 853 kilomètres au Sebring Vélo Solo

Résumé des 24 heures de Sebring Vélo Solo



Je sais que les passionnés de vélo et beaucoup de personnes même hors sport sont intéressés de comprendre la manière dont j’aborde ces challenges. Si ça n’est pas votre cas, désolé ce post est un peu long !

Si vous suivez mon actualité, 2019 est l’année du projet que nous avons en tête depuis un petit moment. Nous, c’est J.L. Perez et moi. Nous allons tenter de gagner mais aussi de battre le record de la traversée des USA à 2. Le challenge est simple : moins de 6 jours et 10h pour atteindre Annapolis, Maryland, au départ d’OceanSide, Californie. 32 km/h de moyenne sur 5,000 kilomètres.
Ce challenge représente pour moi un mélange de plusieurs choses qui m’animent depuis toujours. Cette course est Race Across America (RAAM)
  • Le rêve Américain. Qui n’a pas rêvé de faire cette traversée un jour ou l’autre. Plus souvent c’est à moto ou camping-car.
  • Ma passion pour le vélo
  • Ma passion du dépassement de soi
  • Le partage. Avec mon ami JL, notre équipe, nos proches qui nous suivront et tous ceux qui de près ou de loin nous soutiennent pour vivre une part de rêve !

Je reviendrai dans d’autres posts sur tout ceci.

La participation à ces 24heures de Sebring 2019 avait clairement pour but de commencer la préparation. Préparation au sens large du terme.
Évidemment physique, mais finalement, ce fut la dernière raison.
La première étant de me challenger mentalement 💪🏻!


Je connais mes forces et mes faiblesses. Les courses type 24heures du Mans avec vélo de route et drafting c’est clairement mon truc !
Ici la course Sebring c’est 24heures en vélo de contre la montre, no drafting et une monotonie terrible. J’ai déjà échoué 2x brutalement sur ce type de course à Borrego Springs en 2016 et 2017. À tel point que 2018 j’y suis retourné « seulement » pour 12 heures !
Je dois admettre que ces échecs étaient toujours là, dans un coin de ma tête. Surtout vis-à-vis de mon équipier et du Team que nous aurons pour RAAM.
Pour eux, pour moi, je devais prouver que je peux surpasser mes échecs. Que je suis un guerrier et que je ne lâcherai personne !


Ma stratégie au départ ce week-end à Sebring est de gérer !
On part à 6:30am pour 24h non-stop. Pas question de s’enflammer au départ. Plusieurs catégories partent ensemble. 12h / 24h drafting / 24h non drafting.
Après 3 petits tours du circuit de Sebring où un groupe de 30 coureurs roulent ensemble.
Nous sortons du circuit pour une boucle de 144 kms. Cette boucle est bénéfique car ne laisse pas tout de suite place à la monotonie.
Et d’entrée, ma stratégie se fait dépasser par mon instinct de compétiteur.
Je me place en tête et teste mes adversaires ! 🤦🏻‍♂ 30 minutes après le départ je suis déjà en tête devant toutes les catégories.
J’assume et sans trop en rajouter je me place dans un bon tempo. Le vent est plutôt défavorable mais avec la position aéro je tiens le 37 - 40 km/h de moyenne.


Environ 70 kms seul au monde qui passent   très vite avant le demi-tour où je peux remplir aussi un bidon d’eau.
Le retour de la boucle se fait vent dans le dos et les 50 km/h ne sont pas rares.
Je me concentre pour ne pas me laisser griser. 🚴🏻‍♂💨💨


Après 4h15 de course nous entrons sur la seconde boucle. J’y retrouve Karina et mes ravitaillements. Je vois aussi l’écart creusé avec mon adversaire principal du jour. Qui n’est autre que Marko Baloh. Légende vivante de l’ultra distance. Détenteur de nombreux records dont celui de cette course. Je connais l’animal.
C’est un warrior qui ne lâchera pas !
Sur cette seconde boucle d’environ 18kms que nous empruntons pendant 8-9 heures, l’écart se creuse seconde par seconde.
Le vent est souvent de côté, un peu de face, trop rarement de dos 💨🤔🤔!
Je ne peux lâcher la tension une seule seconde. Pas d’arrêt hormis 1 besoin naturel durant lequel j’ai pu retirer mes sur-chaussures aero. Ça commençait à bouillir et gonfler au niveau des pieds. 👣🔥.
Point météo 🌤: Il fera 28 degrés Max. Ce sont de bonnes conditions.


1 second stop lumières avant la nuit. Les ravitaillements se font à la volée avec Karina qui devient experte dans le domaine 👌🏼
Heure 12, nous entrons sur le circuit Sebring. Déjà plus de 460 kms parcourus. La fatigue est clairement présente mais néanmoins les jambes tournent bien. C’est plutôt des douleurs dans le cou qui me gênent.
Je suis surpris par le mauvais état de ce Mythique circuit ! Des zones avec des plaques de bétons qui génèrent des trous et bosses. Avec la fatigue et le vélo de CLM ça tape dans le cou, les épaules et révèle des douleurs à la selle !
Ça va être long il faut tenir jusqu’au levé du jour !
Karina m’informe des écarts et je n’ai qu’un tour et demi d’avance. Soit 15 minutes. Face à Marko c’est peu ! Le changement de circuit et de boucle chrono n’a pas joué en ma faveur. J’ai perdu de mon avance « artificiellement ».
Mais je reste focus.


J’utilise mon expérience sur ce type de circuit pour alterner les tours de forcing et « m’acheter des stops gratuits ». Il reste 10h de course, 1 tour et demi d’avance et Il me reste environ 1h d’autonomie en eau et nourriture. Hors de question de m’arrêter avec 1 seul tour d’avance ! Je vais faire 1heure à bloc pour prendre 1 second tour d’avance et même prendre quelques distances après avoir dépassé Marko pour m’acheter cet arrêt gratuit ! J’ai le temps de me ravitailler, changer de compteur, de lunettes et même un arrêt pipi !! Je repars juste derrière lui, 1 tour de forcing et je reprends 2 tours d’avance.


Environ 9h de course à effectuer et je tente de gérer. Il y a beaucoup de vent. Le circuit n’offre aucun moment de récupération ! Les heures défilent très lentement. Toujours cette barre des 16 heures de course difficile à passer. Encore 8h !
Moi-même je n’arrive pas à me dire que c’est normal !
Je n’arrive pas à m’empêcher de penser à toutes ces choses qui durent 8h et qui nous semblent interminables. Traverser la France en voiture, traversée de l’Atlantic en Avion, certaines nuits d’insomnie et certaines journées de travail ! 😱😱
Mais je prends tour par tour et m’occupe l’esprit avec ma performance. Rester dans le tempo pour garder les distances avec le second et pourquoi pas penser un peu plus tard au record de l’épreuve. Les jambes répondent bien.
Les douleurs viennent plutôt du ventre, du cou, du bas du dos et comme tout le monde l’imagine : la selle !
Je pense à ces instants que je vais devoir travailler sur un meilleur gainage et aussi une meilleure gestion des apports caloriques. Ces maux de ventre me pénalisent pas mal et je suis certain que c’est une mauvaise gestion de la nourriture. 70% liquide. Et c’est à chaque fois que je mets du solide dans le ventre que les douleurs apparaissent. À travailler 👨🏻‍💻!


H-4 ce sera mon dernier mini stop. Au final je pense avoir fait 4 min d’arrêt total sur les 24h.
Je focus maintenant sur le record qui est possible mais pas question de se relâcher ! 
Karina (et Kooper) qui sont là depuis le début m’informe des temps de passage. Ça va se jouer à peu. Je calcule et je pense avoir 4-5 kms d’avance sur ce record. Ce n’est pas grand-chose sur 4h après 20h de vélo!


Malgré les douleurs je tente de garder la position aérodynamique.
Le corps souffre !
Encore une fois ce sont les jambes qui font le moins de d’états d’âme !
Mais ne serait-il pas parce qu’elles bougent ?? 🤔
💡Comme tout dans la vie en fait ! 💡
On pense « philosophique » avec l’ennui 🙃!
Dernière heure, plus rien ne peut arriver ! Il faut juste attendre que cela se termine. (Toujours à 33-34 km/h de moyenne)
Le dernier tour est « mon » tour ! Je relâche l’effort et les émotions sont fortes ! La fatigue probablement.
Aussi cette fierté de m’être battu, d’être allé au bout et d’y avoir finalement mis une performance avec ce nouveau record de l’épreuve !

Je suis fier d’être devenu ce que je suis aujourd’hui.

Un mec ordinaire tentant parfois l’extraordinaire !

24 heures non-stop -> 853 kilomètres -> 17300 calories!